C. Ulbrich u.a. (Hrsg.): Mapping the I

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Titel
Mapping the I. Research on Self-Narratives in Germany and Switzerland


Herausgeber
Ulbirch, Claudia; Kaspar, von Greyerz; Lorenz, Heiligensetzer
Erschienen
Leiden 2015: (0)
Anzahl Seiten
300 S.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Miriam Nicoli

Cet ouvrage collectif est le résultat de la collaboration pluriannuelle entre deux groupes de recherche travaillant autour des écrits du for privé et dirigés respectivement par Kaspar von Greyez (Université de Bâle) et Claudia Ulbrich (Université libre de Berlin).

Le volume ne propose pas de contributions totalement inédites, mais réunit principalement des articles déjà parus, en partie revisités, ici traduits et présentés au lecteur en langue anglaise. Par conséquent, l’ouvrage n’a pas pour but de pointer l’état de la recherche en 2015, mais plutôt de rendre compte des évolutions conceptuelles et méthodologiques que ce domaine a connues durant les vingt dernières années environ. Le champ d’études sur les écrits du for privé, appelées aussi écrits personnels ou egodocuments, s’est en effet beaucoup développé ces dernières décennies.

L’ouvrage est divisé en trois parties. La première, intitulée Inroads, propose principalement des réflexions de type méthodologique, en soulignant la variété des typologies de récits du for privé (autobiographies, journaux intimes et de voyage, livres de famille et de raison, correspondances,…). La contribution de Gabriele Jancke et Claudia Ulbrich, publiée pour la première fois en 2005, discute de manière critique les théories qui ont voulu lier la naissance de l’individu dans l’Occident moderne à l’essor de l’écriture autobiographique. En présentant en détail le concept et les méthodes avec lesquels l’équipe berlinoise a travaillé dans le cadre de son projet, l’article propose un nouveau modèle d’analyse axé non sur l’idée d’individu, mais sur celle, plus ouverte et moins connotée, de personne. Lui fait écho l’article de Lorenz Heiligensetzer qui résume les principaux résultats de la recherche menée du côté suisse depuis le milieu des années 1990 en relation, notamment, avec le projet de recensement des écrits personnels en langue allemande conservés dans les archives et les bibliothèques publiques de Suisse entrepris par l’équipe dirigée par Kaspar von Greyerz. Ce dernier montre dans son article de quelle manière exploiter les egodocuments pour affiner notre compréhension de la société d’Ancien Régime. La contribution de Gudrun Piller en étudiant la narration du corps dans les egodocuments souligne l’importance de se montrer attentif à la dimension rhétorique et discursive de ces sources.

Sous le titre Approches, la deuxième partie propose une série de lectures thématiques d’egodocuments dans le but d’illustrer les différents angles sous lesquels on peut questionner ces sources foisonnantes en informations en tout genre. Ainsi Angela Heimen articule son article autour des nombreuses références à la nourriture (ou à la carence de nourriture) qu’on peut trouver dans l’autobiographie du Suisse Thomas Platter (1499?–1582). Elle montre de quelle manière ces références renvoient, dans la construction que Platter fait de son récit, à des enjeux symboliques (dépendance, partage, pouvoir). Gabriele Jancke étudie les rapports sociaux et de genre dans les régions germanophones entre 1400 et 1620 et cela sur la base d’une recherche qui lui a permis d’accéder à plus de 200 textes autobiographiques. Elle souligne la façon dont les auteurs d’autobiographies se mettent fréquemment en scène par rapport à leur réseau de relations sociales. Andreas Bähr analyse, quant à lui, la sémantique du suicide dans des textes allemands de la seconde moitié du XVIIIe siècle. En étudiant deux textes laissés par des personnes suicidées, il répertorie les arguments mobilisés par ces denières afin de justifier leur acte devant la société. Fabian Brändle s’intéresse finalement à l’autocensure dans l’autobiographie du colporteur suisse Gregorius Aemisegger (1815–1913). Brändle, qui pointe les silences de la source, rappelle les précautions à prendre en étudiant ces textes et insiste sur l’importance de les croiser avec d’autres sources afin de ne pas se faire prendre au piège de leur construction narrative.

La troisième partie, intitulée Cartography, présente des contributions construites autour d’une typologie de sources. L’article de Claudia Ulbrich se focalise ainsi sur les livres de famille et chroniques familiales à la fin du Moyen Âge. Après avoir dressé un bilan historiographique de la recherche sur ce type de support en Allemagne, elle propose de nouvelles pistes. Elle invite à creuser davantage le lien entre la doctrine domestique du Bas Moyen Âge et celle économique du début de l’époque moderne ou à étudier la construction narrative des livres de famille. Thomas Max Safley et Patricia Zihlmann-Märki étudient, quant à eux, des autobiographies. Le premier aborde les textes de trois marchands augsbourgeois ayant vécu à cheval entre le XVIe et le XVIIe siècle afin de démontrer l’intérêt de ces sources personnelles pour l’histoire économique. La seconde fait une lecture de l’autobiographie du marchand bâlois Lucas Forcart-Respinger (1789–1869) dans le but d’étudier les nombreuses références que l’auteur fait à la mort et à l’au-delà. Enfin Sophie Ruppel se consacre à une analyse de la correspondance dans le milieu aristocratique allemand du XVIIe siècle. Elle montre de quelle manière ces échanges combinent plusieurs dimensions: politique, informative, familiale, émotionnelle.

À souligner que plusieurs contributions prennent en compte la perspective du genre ainsi que des écritures féminines (notamment von Greyerz, Heiligensetzer, Jancke, Ulbrich, Ruppel). C’est grâce à des projets du type de ceux menés par les deux équipes dont il est question ici que plusieurs écrits personnels féminins ont été repérés dans les archives et par la suite mis en valeur.

L’un des principaux mérites de l’ouvrage – publié dans la collection «Egodocuments and History Series» éditée par Arianne Baggerman, Rudolf Dekker et Michael Mascuch – est de montrer la richesse des egodocuments en tant que sources historiques. À saluer aussi la mise à disposition pour un public international non germanophone des importantes recherches menées ces dernières années en Allemagne et en Suisse alémanique.

Zitierweise:
Miriam Nicoli: Rezension zu: Claudia Ulbrich, Kaspar von Greyerz, Lorenz Heiligensetzer (Dir.), Mapping the ‹I›. Research on Self-Narratives in Germany and Switzerland, Leiden/Boston: Brill, 2015. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Geschichte Vol. 67 Nr. 2, 2017, S. 278-280.

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Zuerst veröffentlicht in

Schweizerische Zeitschrift für Geschichte Vol. 67 Nr. 2, 2017, S. 278-280.

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